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<< Abim la Sombre et Opak la Génitrice ne règnent plus mais c’est Ta, la douce et Blanche Ta, qui, avec fermeté et héroïsme, tient les rênes du pouvoir dans l’atmosphère languide que générent les T’Lo… 

Ces êtres, mi-sauriens et mi-humains, par une sensualité extrême et un érotisme à fleur de peau, entraînent tous les habitants dans la moiteur du plaisir qu’ils dispensent. Règne difficile et sacrificiel que celui de la Blanche Ta car la mort a ravi l’homme qu’elle aimait !

Cependant, les temps ont changé et il semble nécessaire de s’appuyer sur le concours des hommes pour assurer la survie de la race. Le Matriarcat touche à sa fin et nous entrons dans une charnière du temps où ce dernier, en voie de disparition, cède la place au pouvoir masculin.

Mais alors que tout semble basculer dans une incertitude croissante, une Formation de Cristal, invisible pour tous et seul perceptible par Ta, reste en permanence auprès de celle-ci.

Est-ce un nouveau Pouvoir qui aidera la Cité Magnifique à perdurer ou bien console-t-elle simplement la Reine solitaire ? 

La dernière conteuse, quant à elle, Ata-Réé, garde les yeux perdus dans une vision inquiétante un déluge menace la Cité au Cinq Étages, déluge qui résonne en prémonition de celui qui engloutira le futur continent à naître, ...l’Atlantide. >>

 

 

<< ..Déjà, vous m’avez rencontrés. Déjà, je vous ai parlé. 
Souvenez-vous, souvenez-vous ! 
Toujours, c’est à vous que je parle, 
c’est de vous, toujours, que je parle, hâtifs passants de la terre, trop tôt dispersés par le vent de mort… 


Un instant, rien qu’un, arrêtez-vous !... Qui vous poursuit ? Et que poursuivez-vous ? La panique du vivre fou attise votre fatale combustion. Et, poursuivis-poursuivants, malgré votre précipitation, vous n’échappez point à ce qui vous est ennemi ni ne rattrapez l’illusoire qui fuit.

 


De grâce, arrêtez !… Et que se reforme en vous le Grand Souvenir aux multiples rameaux… 

Ce présent veut qu’enfin l’on se souvienne. 

 Vous n’êtes point si démunis que se plaît à le croire votre aride pensée. 
En vous, des sources existent, où le patient nomadisme d’une méditation trouve à s’abreuver. 

 buvez cette eau et reflétez-vous parmi tous vos anciens reflets… Ah ! souvenez-vous ainsi. Lentement, soigneusement, souvenez-vous…

 

Et vous, les revenus d’un autre âge, dont la mémoire innée s’effare confusément aux lueurs fragmentées de ces vies antérieures qui vous hantent, osez enfin assumer votre vrai patrimoine, osez contempler les biens de votre âme, osez reprendre ce qui vous appartient en propre et osez dire enfin, vous aussi, comme tant d’autres éveillés : 
« Oui, c’est vrai, j’y étais. Je me souviens… C’était il y a trente mille ans, à Kobor Tigan’t, la quintuple Cité des Géants ! »

 


 Mais oui, osez le concevoir, osez le détailler en vous, osez revivre le Grand Souvenir !...Vous y étiez, vous dis-je, vous y étiez, différents de ce que vous êtes devenus, mais si semblables pourtant. 

Vous étiez à Kobor Tigan’t, vous, témoins, vous, participant, héros ou damné de ce tout-puissant matriarcat magique, dont la dolence de vos vieilles âmes atteste le regret et l’ineffaçable empreinte. 

Moi aussi,  ô passants, ô revenus, j’y étais,  comme vous. Souvenez-vous… 

         Je m’appelle le vieux Kébélé, le Judicieux Ami. 

         Je suis un vieillard éternel, un intemporel, le Toujours-Vivant. 

  J’ai bien d’autres noms, mais qu’importe !... Je ne varie point, Je demeure. Tandis que vous passez, pollens en diaspora, au travers du ciel de mon être. 
La pérennité, c’est mon statut de vie, c’est la sphère de ma fonction. Je ne me connais point d’autre existence que cette durée sans âge. Je Suis. 

 

  Mais je suis seulement parce que c’est pour vous. 
Il m’appartient de rectifier le destin de ceux sur qui je veille. 
Je ne puis intervenir cependant qu’à peine. La part supplémentaire que vous détenez, votre libre arbitre, limite et commande mes retouches.

Je tisse aussi et je brode. Certains, me voyant à l’œuvre, m’ont nommé le Maître Tisserand et, d’autres, le Brodeur, mais qu’importe ! … De mes fils qui se croisent, je conjugue les devenirs. J’unis le sommet à la profondeur. Ainsi, des êtres angéliques voient paraître leurs reflets dans le gouffre, tandis que celui-ci hausse vers d’idéales propositions la force de son aspir.

    Et la droite et la gauche, et le plus et le moins, et le lourd et le léger, à l’infini, sur mon ouvrage, venant en balance, s’équilibrent et se compensent, tandis que je veille au centre sur ce qui par du cœur et y retourne. 

         C’est du Karma. 

         Le Temps y noue son petit point au canevas de l’espace.

Mes préméditations y proposent aux créatures les arcs dépouillés des voies évolutives ou les schémas simples, propices aux vastes libérations, que les actes des hommes viennent toujours surcharger et compliquer de capricieux lacis… Qu’importe, s’ils s’y retardent ! Par mon travail, tout est quand même mouvements, tout est voyage, tout est infini départ et prodigieux retour : tout, humblement, se quitte, pour se retrouver magnifié. Les cycles solennels emportent,  aux prestiges de leurs envols, le fil éclatant du destin. Rien ne disparaît. Rien n’est perdu jamais. Tout change,. L’excès se mue en son contraire.

Ici, sur mon ouvrage, durant une brève saison, la vie s’émaille comme un jardin. Puis vient un long hiver de neige, d’effacement. Rien ne semble avoir été. Le souvenir doute et la mémoire défaille. Qui, encore, dans tout ce blanc d’indifférence, reconnaîtrait le jardin ?... Mais là, ailleurs, flambe la vie qui craque dans l’âtre, au zénith de son feu !... Entre, d’un coup, sous son costume de bris lambeaux, la mort, couvrant le feu de cendre et laissant ouvert, sur la maison vide, le vantail qui bat…

 

Qu’importe vraiment ! Moi, Kébélé, je renoue les fils cassés. 
Toujours,  se tisse. La broderie sera faite. 

Et lorsqu’elle s’achèvera, elle ne sera qu’une partie de palpitant tissu cosmique, qui génèrera plus loin, ailleurs et autrement, une autre broderie, différente, dont pourtant ni la trame ni la chaîne ne seront  séparées de l’ensemble et sur le support desquelles les anciens fils, les mêmes, viendront structurer l’image multiple d’un nouveau destin des hommes. >>

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